Je ne sais pas si Olivier serre les dents. Ce n'est peut-être pas la meilleure manière de supporter ces douleurs qui l'empêchent d'accéder au plaisir d'être là. En tous cas ce n'est pas pour son plaisir qu'il monte au col de Giasson pour ensuite faire cette magnifique descente du vallon d'Invergnan. C'est juste pour éviter d'imposer à ses compagnons une descente directe depuis le refuge. Chacun de nous le sait, le voit, lui en sait gré. Lui, il voit que c'est beau, il sait que c'est beau, mais il ne le vit pas. Ce que l'on peut percevoir, ce que l'on sait, et ce que l'on vit, ce sont parfois trois histoires bien différentes.

Nous sommes partis pour aller au col de Bassac Déré, nous irons finalement au col est de la Sassière, en nous laissant attirer par les pentes et la qualité de la neige, Il en est quelquefois ainsi : plutôt que de réaliser un objectif, se laisser guider par ce que le paysage révèle au fur et à mesure de notre progression. Par une boussole intérieure qui nous dit : allons plutôt là. Et il est, pour moi, très agréable, d'être en compagnie de personnes qui s'accordent à cette manière d'avancer, de s'avancer.

Olivier, Bertrand, Christophe, Jean-Christophe. Avec la fine équipe de l'an dernier nous avions prévu trois jours en étoile autour de Saint-Véran. Mais, patatras, cette année, l'enneigement particulièrement médiocre nous a vivement incité à changer de plan. Ce sera donc le Valgrisenche, autour du refuge Marion Bezzi, si chaleureux et agréable. Au moins là, nous aurons de la neige. Dure certes, et sans renouvellement aucun depuis des semaines, car le ciel est désespérément bleu, mais de la neige. Depuis Menthieu la montée en refuge est plutôt plate, et un peu longue. Olivier s'inquiète d'une douleur à une malléole et, en s'arrêtant pour y remédier, s'aperçoit… qu'il avait tout simplement inversé les chaussons droit et gauche de ses chaussures ! Bon, comme quoi ça arrive plus facilement qu'on ne le croit. Le problème c'est que cette douleur est installée et qu'en cherchant à l'éviter il se fabrique une méga-ampoule qui lui gâchera tout le plaisir de ces trois jours. Et comme il ne veut pas gâcher le plaisir de ses compagnons il va endurer. Et, lui qui est habituellement si gai en ces circonstances, se concentrer dans un seul but : tenir.