J'ai fait des choix.
Ou plutôt, je devrais dire que mes choix m'ont fait.
En 1975 je sortais juste de l'X et de devenir ce qu'avec un mélange de respect et d'ironie on appelle un polytechnicien. Le respect parce que c'est difficile, l'ironie pour la réputation que nous avons d'un rationalisme quelquefois un peu borné. Le bon sens n'est pas une matière au programme....
La même année je devins aspirant-guide, le marchepied pour devenir guide de haute-montagne. Dès lors, sans forcément en mesurer les conséquences, j'ai choisi. Choisi de suivre mon propre chemin dans la vie en renonçant quelque peu aux appâts d'une carrière plus classique.
En suivant ma voie
Je n'avais pas de modèle, ni personne pour m'expliquer comment faire, ou quelles erreurs éviter. J'avais pour ouvrir mon chemin de très bonnes cartes en main et, comme tout le monde, mon lot de fragilités. En fait j'avais les meilleurs atouts. Je connaissait ma chance. Mais cette sorte de "chance" a souvent des allures de responsabilité - car après tout quand vous avez à boire et à manger, que vous êtes en forme, que vous avez une carte, un altimètre et une boussole, qui comprendrait que vous puissiez vous perdre ?
La passion
Toute cette histoire avait la passion comme ingrédient. C'était mon moteur, mon carburant, et peut-être bien aussi ma roue de secours. Sans passion je n'aurais pas rompu la ligne de vie qui était si bien tracée. Sans passion je n'aurais pas été si confiant dans l'avenir. Cette passion immédiate ressentie à la découverte de l'escalade a des racines profondes. L'une d'entre elles est certainement le sentiment très intense, quand vous grimpez, que le corps et l'esprit travaillent ensemble. C'est une satisfaction très profonde.
Garder l'équilibre
Bouger, avancer, pour cela il faut accepter de perdre l'équilibre, la stabilité. Et la stabilité, c'est fait de choix permanents. J'aurais pu choisir d'être scientifique, ingénieur ou manager. J'aurais pu choisir d'être guide à plein temps. Je n'ai pas choisi. Je voulais grandir, mais pas dans une seule direction. C'est une ambition instable. Pour moi, l'équilibre est une valeur.
L'expérience
Le temps est un grand professeur. J'ai acquis beaucoup d'expérience en tant qu'alpiniste et en tant que guide. J'ai acquis de l'expérience dans le fait de composer avec le fragile équilibre que je m'étais choisi. Dans les montagnes, j'ai réalisé que cette expérience permet le développement de ce que l'on appelle un peu paresseusement l'intuition. J'ai pris conscience qu'il valait mieux accepter les émotions comme des partenaires valables de nos prises de décision, car de toutes façons, si on cherche à les expulser par la porte, elles reviennent par la fenêtre !
Le goût de transmettre
Dans l'intervalle je faisais le guide. Jeune guide, j'avais souvent tendance à privilégier la course, et je ne suis pas très sûr de la place que j'accordais au client. Plus tard, les priorités évoluèrent. Maintenant, la personne m'intéresse d'abord, ensuite la course. J'avais choisi ce métier par goût pour l'alpinisme ; j'aime partager cette passion et initier des gens à ce monde. Ma première expérience, adolescent, a été de suivre un guide. J'ai senti alors ce lien impalpable qui me donnait de l'énergie. Je n'ai jamais oublié.
Ajouter de la valeur à l'expérience
Je guidais, je prenais des photos durant mes expéditions, dont j'écrivais quelquefois le récit et j'écrivais sur mon métier. J'envoyais des messages, mais sans retour direct de ceux qui les recevaient. En l'absence de ce retour, je n'étais pas nourri. Je ressentais un manque. Il fallait que quelque chose d'autre arrive. J'avais passé des années à vivre des aventures dans les montagnes, maintenant il me fallait imaginer quel sens tout cela pouvait avoir pour quelqu'un qui soit étranger à la montagne. Il fallait revisiter cette expérience, trouver les mots pour en parler dans le monde de l'entreprise, essayer d'expliquer ce que cela m'avait fait découvrir et en partager le fruit avec des non-alpinistes. C'est mon histoire actuelle. Guider et animer des séminaires pour les entreprises, ces deux activités se fécondent mutuellement.
Un jardin secret
La photo occupe une place à part dans mon coeur. Depuis que je fais moins d'expéditions, j'ai plus de temps pour la photo. C'est un de ces jardins secrets dont nous avons tous besoin....
Et, par dessus tout, la vie !
Je ne suis pas philosophe, et je me sentirais présomptueux de me présenter comme tel. Le titre de cette section (Ma philosophie) ne me met pas très à l'aise, et si vous voulez m'en suggérer un autre, vous serez les bienvenus.
Juste un mot, en conclusion : dans les moments critiques, en montagne ou ailleurs, n'oubliez jamais que la vie est certainement le meilleur de la vie.