Erik Decamp

Mountain Guide

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La "prise de tête" de janvier ?

Cedric Sapin-Defour, qui écrit pour Montagnes Magazine une réjouissante rubrique « Prise de Tête », m’avait demandé de lui écrire quelques lignes sur la question des preuves en alpinisme. Je les lui ai envoyées, il s’en est servi, avec d’autres contributions, et c’est publié dans le MM de ce mois de janvier, sous le titre « Doit-on faire ses preuves ? ». N’empêche, j’avais quand même envie de partager ces quelques lignes dans leur intégralité. Les voici donc :
« 
Les mythomanes diraient-ils vrai ?
En l’absence de preuve, la question de la vérité fait rage. C’est vrai en alpinisme comme ailleurs : la confiance en la parole donnée est aussi belle que problématique. A titre personnel, j’ai envie de croire à cette parole, me disant qu’après tout, si un alpiniste ment sur ses réalisations, c’est plus son problème que le mien. Disons un problème avec sa conscience. Mais s’agit-il toujours de mensonge ? Un jour j’ai eu l’occasion de rencontrer, je crois, un authentique mythomane (les attentifs remarqueront le caractère légèrement paradoxal de l’association entre ces deux mots). Bien qu’il ait été alpiniste, ce n’est pas à propos de montagne que l’alerte avait sonné. Nous étions une jolie bande, certains se connaissant, d’autres se découvrant ; une linguiste, un cinéaste non francophone, des grimpeurs, toutes personnes vivant un beau moment de convivialité, parmi lesquelles M., liant, intelligent, connaissant beaucoup de choses, pouvant parler avec chacun de ce en quoi il s’imaginait spécialiste. Jusque là tout allait bien : connaître l’oeuvre d’un obscur linguiste du 18°, venir bras-dessus bras-dessous avec le cinéaste en parlant du dernier film réalisé en collaboration, parler science, littérature avec une incroyable pertinence. Mais, patatras, soupçon lorsqu’il nous dit avoir travaillé avec ce fameux linguiste. D’où question en aparté au cinéaste sur la contribution de M. au film : en fait la première rencontre datait d’une projection publique du film déjà réalisé. L’attention aux propos de M. est alors devenue bien différente : comment peut-il affirmer de telles invraisemblances avec autant d’apparente sincérité ? Car il était sincère. Cette rencontre m’a beaucoup troublé, et j’en ai gardé le sentiment que cette personne ne mentait pas ; c’est juste que la frontière entre le réel et l’imaginaire se situait ailleurs que pour la plupart d’entre nous. Car qui peut prétendre que ce qu’il raconte est toujours la vérité ? Le simple fait de transformer une chose vécue en récit est une traduction, et tous les traducteurs honnêtes vous diront que traduire c’est trahir. Avec le temps les souvenirs se déforment, parfois s’embellissent, comme Samivel l’avait si bien peint : « l’ascension, comment ils l’ont vécue, comment ils la racontent ». Et puis il nous arrive à tous de gommer une anecdote comme on lisse un objet, juste parce qu’ainsi il nous semblera plus beau, ou de finir par croire que nous avons pris telle ou telle initiative alors que ce n’était pas nous. Aucune intention de mentir ou de tromper là-derrière, juste ce fait que pour chacun d’entre nous la frontière entre ce qui est réel et ce qui est imaginé n’est pas aussi tranchée que nous aimerions le croire, que nous sommes peut-être à des degrés divers des mythomanes en puissance. Finalement j’ai envie de laisser au doute un bénéfice, de croire que dans le milieu des alpinistes, lorsque la réalité d’une réalisation s’avère douteuse, il s’agit peut-être de mythomanie plus ou moins marquée plus que d’un mensonge délibéré, avec l’intention de mentir ».