Erik Decamp

Mountain Guide

Jul 2011

L'angle

L’arête des Cosmiques, course délicieuse surtout par une telle journée, n’est pas une paroi vertigineuse, loin de là. Le seul passage d’escalade - aujourd’hui avec des prises taillées, chacun en pense ce qu’il juge bon - se déroule sur un mur de quelques mètres. Pourtant, sous un bon angle, il pourrait faire illusion...

Allalinhorn, Space Mountain

L’Hohlaubgrat est une fort jolie manière de gravir l’Allalinhorn. Montagne grandiose où, une fois passée l’étrangeté des remontées mécaniques qui nous en rapprochent, on trouve l’espace le plus désirable pour un alpiniste. Après la descente, le retour dans le funiculaire souterrain géant - bien nommé le Metro - a quand même un petit côté DisneyLand légèrement perturbant !

La chaleur du soleil

Jegihorn, voie « Alpendurst », 350m en IV+, homogène sur un rocher qui invite à grimper, un itinéraire tracé avec goût jusqu’au dernier mètre de cette escalade qui conduit à 3000 mètres d’altitude. Ce sommet est un magnifique belvédère sur les 4000 de la vallée des Saas. Nous n’en aurons pas vu grand’chose car la paroi était baignée dans un brouillard insistant que le soleil peinait à percer. Cette ambiance un peu austère était cependant rendue de temps à autres plus accueillante car, avant la lumière, le soleil se manifestait par une légère impression de chaleur. Cette présence à peine perceptible changeait tout !

Ce que dit le ciel.


Almagellerhütte, départ nocturne pour la traversée du Weismiess. Quelques cordées, intimidées par le brouillard dense, sont déjà retournées sous la couette. S’ils mettent le nez dehors, ces alpinistes peuvent se réjouir : un léger grésil invite à retrouver la chaleur. Pourtant, quelque chose nous dit que c’est la peine d’aller voir. Passé le Zwischbergen Pass, nous pensons avoir eu raison : le paysage s’ouvre jusqu’au Lac Majeur. La certitude sera de courte durée et, tant que nous n’avons pas eu la confirmation que la voie normale offrait une visibilité suffisante, l’option « demi-tour » était présente à l’esprit. Journée belle comme elles peuvent l’être lorsqu’on en conserve l’impression de s’être faufilé...

Quelle semaine ?

Ce ciel était un programme : fuir ! Rien à attendre, apparemment, de cette semaine dont on aurait tant aimé qu’elle soit estivale. Deux journée de mise en route dans les Aiguilles Rouges passeront, mais la haute montagne semble bien hostile, du moins dans le massif du Mont-Blanc. Nous nous tournerons donc vers l’est du Valais, où l’on peut espérer bénéficier d’une influence italienne.

Voir ou ne pas voir le vide

Peut-on voir le vide ? Souvent en escalade, parce que l’on est entièrement pris par son geste, le vide s’absente - si on peut dire. A d’autres moments il fait irruption, bien que sa présence soit au fond une absence. Sous les yeux tout s’enfuit, sous les pas rien n’est à la place désirée. Pour s’en dégager, s’engager !

Moiry, espace


Au loin vers la Dent Blanche, au devant du regard des espaces ouverts. Entrer dans le deuxième monde.

Moiry, glace en beauté


Formes, mouvements, ciel et glace. Entrer dans un monde.

Ulysse-Stilnox : 1-0

Longtemps je me suis couché de bonne heure - en refuge - sans pour autant trouver un bon sommeil. Lorsqu’une semaine sans descendre s’annonce, la question du livre à emporter fait rage. Pour cette période de mi-juillet dans la Bernina, il m’est venu tout à coup une idée genre « camisole de force » : prendre Ulysse, de James Joyce, dont je n’ai jamais réussi à dépasser la vingtième page, et voir ce qu’il adviendrait. Au moins je m’interdisais un dérivatif du style bon polar impossible à lâcher ! Résultat, les trois premiers soirs, cure de sommeil : au moment critique du choix entre commencer le livre et tenter l’endormissement, ce dernier gagnait la partie, je dois dire avec un grand succès. Puis, puis, un coup d’oeil sur les premières pages, un peu de temps pour s’acharner, et enfin, je crois bien commencer à entrer dedans....
Après avoir été le plus efficace somnifère, Ulysse deviendrait-il enfin une lecture possible pour moi ?